Comment trouver son chemin ?

Voilà comment j’ai commencé mon intervention dans une classe de 1ière au lycée Maupassant de Fécamp, dans la classe de français d’Evelyne Paquet. 

J’avais passé facile 4 jours pleins à préparer mon intervention. Je me sentais prête. Un mélange d’excitation et de hâte. Dès la préparation j’ai senti l’amour grandir en moi. L’amour de pouvoir diffuser mes messages, partager mes émotions, montrer d’autres modes de vie possibles, d’autres horizons, montrer qu’un monde heureux est possible à ces ados submergés par les symboles à respecter et dans lesquels se conformer.

Suivre un programme scolaire bien précis, étudier des sujets qui pour certains ne les intéressent absolument pas. Choisir à 15 ans les études supérieures qu’ils veulent faire et s’y préparer pendant 2-3 ans, en orientant tous leurs choix en fonction de ça. Peu de place à l’écoute de son cœur alors… Ou peut-être que si ? 

Je leur ai parlé du chemin. Comment trouver son chemin ? A mon agréable surprise, les élèves comprennent le double sens de cette question, et le parallèle entre la marche et trouver son chemin dans la vie, pour eux qui sont en plein dans ces premiers choix d’orientation. La marche comme allégorie de la vie : repérer les signes qui nous guident, écouter notre corps qui nous parle, accepter de se libérer du superflu, de faire de la place pour accueillir le renouveau, ou plutôt l’essence même de qui on est.

J’avais envie de leur montrer qu’en dépit de ce que leurs parents leur ont transmis en ce qui concerne le bonheur, en dépit de ce que leurs professeurs leurs enseignent en ce qui concerne la réussite, en dépit de ce qu’ils voient autour d’eux comme modes de vie existants, en dépit de tout cela, tout est possible

Avant de venir j’avais reçu une liste de questions qu’ils avaient préparé. Chacun d’eux m’avait écrit une question. Je m’attendais à voir des questions très pratico-pratiques sur la composition de mon sac, mes distances parcourues, mes choix de chemins… quelle surprise en voyant que la plupart des questions étaient très profondes ! J’avais alors senti que leur cœur est là, bien présent, encore ouvert, pas encore scarifié, heurté, refermé, carapacé. J’avais senti que mes mots allaient forcément toucher, ou au moins réveiller, quelque chose en eux.

Et je n’ai pas été déçue.

Si quelques uns ne m’ont pas ouvert la porte de leur cœur, chez la plupart j’ai vu quelques lignes bouger. Tous assez timides, reservés, en tous cas pas encluns à exprimer ce qu’ils ressentaient, j’ai vu leur regard : le reflet de l’âme ne ment pas.

Cette fille aux yeux bleu brillant qui me regardait pendant toute mon intervention. Elle me faisait penser à moi dans mes phases de manque de confiance, de doute. J’ai senti la puissance en elle, mais qu’elle ne la laissait pas encore sortir. Comment être soi-même au milieu d’autres ados qui sont d’autant plus reconnus qu’ils entrent au mieux dans LA case ? J’ai ressenti en cette fille une envie d’agir, une envie de suivre son cœur. J’ai vu dans ses yeux quelques sourires timides cachés derrière son masque, et son regard soutenait le mien, tendrement.

Ce garçon qui cachait la moitié de son visage derrière sa grande capuche. Il s’est directement installé au fond de la classe à côté de son amie. Je descelle une forme d’assurance maquillée, comme pour cacher un rejet d’une part de lui. D’abord il se cachait la tête dans son sac comme pour faire une sieste pendant cette longue heure qui venait. Je ne l’ai pas pris personnellement, je suis passée à un autre visage. Mais quelques secondes plus tard, quand j’ai posé une première question il a été le premier à lever la main. Et à partir de là, j’ai ressenti son regard soutenant et inspiré. Hochements de têtes, sourires, concentration, ça lui parle. Il n’est pas fait pour ce moule (en même temps qui l’est vraiment ?) et il le sait, au fond de lui. Il va oser, j’en suis persuadée.

Cette fille aux longs cheveux bruns semble ennuyée, puis je sens que je gagne son attention petit à petit. Je sens son investissement et son intérêt grandir. Elle se redresse, me regarde, une émotion née dans ses yeux. Lorsque je leur propose d’écrire sur une feuille ce qu’ils voudraient faire là, maintenant, si tout était possible, je la vois se prendre au jeu et écrire. Je n’ai pas besoin de savoir ce qu’elle a écrit. Mais savoir qu’elle a vu quelque chose en elle, quelque chose qui la rendrait vraiment heureuse maintenant, ça me touche.

Ce garçon qui avait un air marin, les cheveux décolorés par le soleil et le sel, la peau déjà bronzée à peine au mois de mai, j’ai senti sa présence dès le début. Il est le genre de garçons qui m’auraient impressionné quand j’étais au lycée : plein d’assurance, très entouré, un grand sourire, charismatique. Aujourd’hui, de 10 ans mon cadet, je n’en suis plus impressionnée, aussi parce que j’ai compris que souvent cette assurance cache d’autres choses moins assurées. Je voyais qu’il écoutait avec attention, et je sentais comme si une part de lui attendait un message, une confirmation, un « c’est bon, fonce ».

Finalement ils étaient peu loquaces, mais expressifs par le cœur. Je sentais que leurs silences en disaient long. Pas besoin de leur tirer les vers du nez pour les forcer à s’exprimer, ça les remuait déjà suffisamment intérieurement.

Ils ont des rêves. Ils ont des envies profondes, des visions du bonheur . Ils sont motivés pour agir, faire leur part, être acteur du monde, et surtout acteur principal de leur vie. Et qu’est-ce que c’est inspirant. Pour moi c’est porteur d’espoir : les nouvelles générations ont besoin de sens, de vie, de bonheur. Mais comme nous ils sont encore conditionnés. Ils ne sont pas encore tout à fait eux-mêmes. Et ils sont encore habités de peurs. Peurs du bac, peur des notes, peur des reflexions, peur de faire des choix, peur qu’on se moque d’eux, peur de ne pas être assez stylé, unique ou intéressant … Mais ils avancent vers la lumière, et ils brillent déjà. 

🌟

Merci à toutes les âmes qui nourrissent cette lumière, celles qui incarnent et rayonnent la lumière, celles qui plantent des graines : on est tous des colibris pour créer le nouveau monde ! 

Si vous avez lu jusqu’ici, merci 🫶🏻

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *